Ana LELAS: "J'ai toujours été positive, je le suis encore plus"

Exceptionnelle! Je n'ai pas pour habitude de sur-vendre mes petites livraisons quotidiennes mais cette interview qu'Ana LELAS a bien voulu m'accorder est tout simplement exceptionnelle. Son départ de Montpellier, son Euro avec la Croatie, son douloureux été personnel, sa nouvelle vie en Turquie et la France: Ana a accepté de livrer son sentiment sur tous ces sujets, entre humour, sérieux et émotion. Ses nombreux fans seront ravis: c'est notre plus beau cadeau de Noël!

• Ana c'est un vrai plaisir d'avoir de tes nouvelles! Te souviens-tu encore de cette victoire en Coupe de France et de tes derniers jours à Montpellier?
Bien sur que je m'en souviens... Ce sont des souvenirs pour la vie... La France est ma seconde patrie et je dois reconnaitre que j'ai adoré vivre à Montpellier. J'aime le soleil, la plage et j'ai bien sur aimé y joué au basket, ce qui est tout de même le plus important pour moi!

• Etait-il vraiment impossible que tu restes?
Ce n'était pas impossible. Montpellier voulait me garder mais j'ai dit non! J'ai réalisé que j'avais 30 ans et envie de connaître d'autres ligues... Mais ce n'était qu'une des raisons! J'ai vraiment aimé l'équipe que nous avions et cru que nous allions remporter le championnat. J'espérais donc que si cela arrivait, le club conserverait la même équipe, même si nous savions que Edwige allait arrêter de jouer mais cela n'a pas été le cas... J'ai été vraiment triste parce que je pense que nous avions une bonne équipe, qu'il y avait une bonne alchimie. Mais je suppose que cela ne suffisait pas...

• Six mois après, as-tu des regrets au sujet de choses que tu aurais pu faire différemment?
Non, je n'ai aucun regret. En fait, c'est le premier été ou je signe vraiment tard mais je remercie Dieu chaque jour parce que le temps a joué en ma faveur... Je prends moi-même mes propres décisions et je m'y tiens. Je pense que chaque chose arrive pour une raison.

• Quelques mots sur l'EuroBasket. Si tu penses à ton équipe nationale, quel est ton sentiment?
Hmm... Je regrette vraiment cette compétition. Je pense que nous n'étions pas à notre meilleur niveau. Cette année était importante pour nous pour prouver que nous étions suffisamment au niveau pour jouer les grosses compétitions avec de la constance mais je pense que nous avons échoué. Nous devons apprendre de cela... Je pense qu'il y aura des changements donc nous allons attendre et voir si le futur nous réservera...

• Et si tu penses à ta performance personnelle?
Mes stats ont été correctes mais elles auraient pu et du être meilleures. La performance individuelle ne compte pas quand tu perds. J'aime la victoire. Je sais que nous n'avons pas donné le meilleur de nous-mêmes en tant qu'équipe et ça fait mal!

• Est-ce que Véro a été une bonne Team Attachée ou la pire que tu aies connu dans ta carrière?
Ohhh la pire! Je plaisante bien sur...! J'ai adoré communiquer avec elle car tout ce qu'elle fait elle le fait avec passion, spécialement pour notre équipe nationale. Elle a aimé les Filles et les FIlles l'on aimée. Cela a été une parfaite combinaison pour nous. Je sais qu'elle nous apprécie depuis les Championnats d'Europe en Pologne et cela veut dire beaucoup pour nous que la personne qui nous aide soit aussi quelqu'un qui nous aime vraiment. Hvala, Véro!

• Si tu penses maintenant à l’Équipe de France, est-ce que cette médaille d'argent est un bon résultat quand on pense à la qualité de l'Espagne ou une déception en tant que pays organisateur?
Pour moi la France était clairement favorite et je pense qu'elle aurait du gagner. L'Espagne est arrivée très motivée car lors des derniers Europe elle a été éliminée en quarts...par la Croatie! Elle savait qu'elle avait beaucoup à prouver. La finale, c'est un match. Et la pression était sur la France en tant que pays hôte. Je pense que l'Espagne a utilisé cela comme adrénaline et comme motivation pour prouver à tout le monde que leur dernière élimination était un accident. Et elles l'ont fait! Je continue à penser que la France a une meilleure équipe mais je suppose que cela n'était pas leur jour...

• As-tu été impressionnée par une joueuse en particulier?
Je n'ai pas vu beaucoup de matchs mais je veux parler d'une joueuse dont je suis fière: Diandra TCHATCHOUANG... Elle est réellement talentueuse. Elle a été opérée, elle a quitté Montpellier (et si j'avais pu choisir elle serait restée!), elle a fait une superbe saison avec Perpignan, est revenue en Equipe de France et a été dans le "5"! Je suis certaine qu'elle est maintenant sur le bon chemin pour devenir une très bonne joueuse, elle a un bon esprit, elle travaille beaucoup et je lui souhaite tout le meilleur. J'aimerais vraiment jouer à nouveau avec elle!

• Quel souvenir ou quelle image conserves-tu de cette compétition?
Mon match préféré est celui contre la France... La salle était pleine et même si j'ai l'habitude de jouer contre la France, cette fois était différente et spéciale. Je sais que les supporters français me respectent et même si j'étais de l'autre côté, cela ne change pas.

• Après cela, tu as connu un été très difficile...
Oh oui... Le pire été que j'ai connu... Mais je suis reconnaissante à Dieu d'avoir pu passer les deux derniers mois avec mon papa avant son décès... Je ne changerais pour rien au monde ces moments... Pour moi, la famille, c'est tout. Et même si cela a été difficile - et est toujours difficile - cela a rendu ma famille plus forte encore!

• Comment vas-tu maintenant?
J'ai des hauts et des bas mais la Foi en Dieu est ce qui me fait rester forte. Je sais que mon papa ne voudrait pas que je sois triste et je dois continuer ma route mais à chaque étape il est avec moi et me donne de la force. Le basket est ce qui me tient occupée, ce que j'aime faire et ce qu'il aimait aussi. Je dirais alors que je joue pour lui parce que je sais qu'il me regarde.

• En quoi as-tu changé?
La vie est courte et on ne sait jamais ce que le lendemain va nous apporter. je peux témoigner à quel point la maladie peut te détruire, détruire ton corps. Et tu es sans recours. Je suis heureuse que mes parents m'aient élevée de manière à apprécier chaque petite chose de la vie. Mais après ce décès, j'ai beaucoup changée et je ne stresse plus sur les choses que je ne peux pas changer ou pas contrôler. Les choses pourraient être pire: j'ai toujours été positive, je le suis encore plus!

• Est-ce que cela a été difficile de revenir au basket ou au contraire cela t'a t il aidé à te changer les idées?
Le timing a été parfait pour moi. Quand cela s'est produit, je n'avais pas de club et je ne pensais pas au basket. Et même si cela avait été le cas, je n'aurais pas été capable de quitter ma famille et spécialement ma maman. Je suis donc restée à la maison à attendre patiemment...tout en espérant que les propositions n'arriveraient pas tout de suite... J'ai fini par signer en Turquie en septembre et je suis arrivée le 5 octobre. J'avais besoin du basket pour oublier tout ça mais je savais qu'il serait difficile de partir. Ma maman m'a dit: "Ana, tu dois poursuivre ta route et continuer à faire ce que tu aimes faire. C'est facile d'abandonner, mais rien ne le ramènera". Je garde toujours cela à l'esprit!

• As-tu envisagé de jouer en Croatie?
Je me suis entrainée avec Sibenik et j'ai envisagé de les aider jusqu'à ce que je trouve une équipe mais j'ai eu peur qu'en me voyant signer ici les gens pensent que j'allais rester toute la saison. Cela aurait été un peu limite et je ne le voulais pas.

• Tu as mis beaucoup de temps à signer en Turquie. Etait-ce à cause de ta situation personnelle ou parce que tu ne savais pas vraiment où tu allais jouer?
J'attendais... Mon agent avait des contacts avec quelques équipes mais rien d'officiel n'arrivait. Puis il y a eu une touche pour une équipe d'EuroLeague mais ils voulaient que j'attende. Puis Mersin est arrivé avec une offre et j'ai décidé de signer avec eux!

• As-tu envisagé ne serait-ce qu'un instant de ne pas jouer pendant un moment?
Cela m'a traversé l'esprit mais je me connais! Je pensais que je pouvais arrêter jusqu'à la trêve de Noël mais je sais à quel point j'aime le basket et que je n'aurais pas été capable d'attendre longtemps!

• Je crois que tu n'as jamais joué en Turquie. Comment est-ce?
Jusqu'à présent, j'aime la Turquie! C'est différent de la France mais j'aime aussi. Les gens sont très gentils, ils veulent t'aider. L'équipe prend soin de toi donc nous n'avons à nous plaindre de rien à propos de la Turquie. Mais les expériences de chacun sont différentes!

• Peux-tu nous dire à quel club de LFB Mersin pourrait-être comparé?
C'est difficile. La saison dernière, quand nous avons joué Botas, nous les avons battu deux fois mais nous ne les avons pas écrasés alors qu'ils n'allaient pas bien en Ligue turque. Je pense que cela dépend mais ce qui est certain, c'est que nous sommes une équipe jeune: je suis la plus vieille! Nous manquons vraiment de joueuses turques expérimentées mais en même temps, le coach aime faire progresser les jeunes joueuses. Il n'y a que 3 étrangères sur le terrain et du coup nous avons perdu quelques matchs que nous n'aurions pas du perdre parce que nous manquons de constance.

• Quelle a été la chose qui t'a le plus surprise depuis ton arrivée?
Ce n'est pas un basket très physique. je pense que la LFB est plus difficile.

• As-tu déjà eu le temps de voyager un peu?
Pas vraiment. J'ai juste été à Istanbul un week-end pour voir mon ancienne coéquipière Iva PEROVANOVIC mais je veux y retourner et visiter plus parce que la ville est si belle. J'aime!

• Tu as joué près de 10 ans en France. Quel est ton meilleur souvenir?
C'est difficile d'en choisir un. de chaque équipe je conserve des meilleurs souvenirs, que ce soit pour des titres gagnés, des rencontres, de super supporters... Mais disons que mes plus grands souvenirs sont d'avoir remporté le titre avec Bourges et la Coupe avec Montpellier!

• Tu as maintenant aussi la nationalité française? Est-ce important pour toi?
J'ai passé 9 ans en France et c'est vraiment ma deuxième patrie, celle dans laquelle je me sens le mieux. J'aime vivre en France. Je ne sais pas comment cela serait d'y vivre sans le basket mais j'ai aimé toutes ces années que j'ai passées ici!

• Penses-tu que tu rejoueras un jour en France?
J'espère... Je n'ai pas fermé les portes, j'ai juste envie d'essayer quelques chose de différent!

• Qu'est-ce qui te manque le plus de la France?
Plein de choses! Mes amis, la nourriture, le vin, les bons restaurants... Je ne peux pas dire la plage et le soleil car j'habite à la mer et là, à mi-décembre, il fait encore 16/17° la journée! Mais que toutes ces choses me manquent ne signifie pas que je n'aime par la Turquie, car j'aime!

• Et qui?
Mes amis que j'ai pour la vie...

• Après ta carrière, sais-tu déjà ou tu poseras tes valises: Croatie? France? Ailleurs encore?
C'est encore trop loin et je n'ai pas encore fait de plan mais j'espère que j'aurai plusieurs possibilités quand le jour viendra. Jusque là, je vis étape par étape.

• Le 1er juillet, la Croatie a intégré l'Europe. Cela est-il important pour toi?
Pas vraiment... La crise est partout et j'aurais préféré que l'on dépense plus d'argent pour aider ceux qui en ont besoin plutôt que pour des hommes politiques ou des élections? Honnêtement, je n'aime pas les hommes politiques et j'essaye d'en rester très éloignée!

• On peut encore parler français avec toi, Ana? (en français dans le texte)
Oui, bien sûr! (également en français dans le texte)

• Ana, je te laisse le soin de conclure cette interview...
Je veux te remercier de cette interview. Tu sais ce que cela représente pour moi que les gens demandent de mes nouvelles bien que j'ai quitté la France! (en français dans le texte) Merci beaucoup!

Merci mille fois Ana pour ce cadeau magnifique. Il n'y a rien de plus à dire que tu seras toujours la bienvenue ici et que nous restons nombreux à suivre ta nouvelle route! Prends soin de toi!

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